Alors que les directeurs créatifs redéfinissent l’ADN de grandes maisons, une question brûle les lèvres: qu’attendent vraiment les clients du luxe aujourd’hui? La vague du quiet luxury est-elle derrière nous? Les logos tapageurs reviennent-ils? Le sur-mesure serait-il la dernière vraie forme d’exclusivité? Et si le maximalisme régnait, quelle place pour la nuance? Parlons vrai: la tendance profonde, celle qui capte l’attention des plus gros acheteurs, c’est le luxe privé — un luxe pensé pour soi et pour un cercle restreint de pairs.

Le luxe privé, c’est le plaisir de posséder une pièce dont on connaît la valeur intime, sans éprouver le besoin de la crier sur tous les toits. Imaginez une montre d’une maison si confidentielle que votre patron n’a aucune idée qu’elle dépasse largement la sienne. Ou cette voiture de niche, remportée à l’issue d’enchères en ligne, célébrée par une poignée de passionnés qui savent exactement ce que cela représente. Ou encore une paire de souliers façonnés sur-mesure, à partir de vos formes personnelles, soigneusement conservées par un bottier qui vous connaît par votre nom et vos habitudes.

Ce n’est pas exactement le quiet luxury — ces lignes épurées, matières somptueuses et teintes feutrées — même si la pièce refuse, elle aussi, de hurler son prestige. Le luxe privé, c’est comprendre pourquoi un objet est exceptionnel et préférer qu’une majorité l’ignore. Plus le cercle de connaisseurs est petit, mieux c’est. Vous rejoignez alors une tribu d’initiés: ceux qui ont déniché ce domaine viticole presque introuvable, qui connaissent le vigneron, et qui ont réussi à entrer sur la liste d’envoi ultra-limitée. C’est une culture du code discret, du signe distinctif subtil, de la connivence entre passionnés.

Dans ce contexte, j’ai échangé avec Jean-Marc Mansvelt, à la tête de Berluti depuis 2024. La maison, ancrée dans l’héritage du soulier, a bâti ses piliers sur trois terrains qu’elle maîtrise: la chaussure, le prêt-à-porter et la maroquinerie. Pas de dispersion. Pas d’hypercroissance pour cocher des cases. L’approche est simple et tranchante: se concentrer sur ce que la maison sait faire au plus haut niveau.

«Nous ne voulons pas nous étendre, ni multiplier les boutiques, ni élargir nos lignes de métiers», explique-t-il. «Nous essayons simplement de faire ces trois choses le mieux possible.» Une vision qui assume la rareté et la profondeur plutôt que le volume et l’agitation.

Jean-Marc Mansvelt, PDG de Berluti
Crédit: Alexis Berthoud — Jean-Marc Mansvelt, PDG de Berluti.

Chez Berluti, les vêtements et accessoires jouent la carte d’une simplicité maîtrisée, exécutée avec un soin obsessionnel. Les prix se positionnent au niveau luxe: une paire de sneakers démarre à environ 1 120 €, un porte-documents avoisine 4 280 €. Une veste en cuir avec la célèbre patine dégradée de la maison dépasse les 8 370 €. Grâce à cet ancrage artisanal et à une histoire bien réelle, le premier marché demeure le Japon, tandis que le Moyen-Orient accélère. Les États-Unis, eux, arrivent en cinquième position — un rappel que le luxe contemporain n’obéit pas à une carte unique, mais à des géographies de culture et de savoir-faire.

Interrogé sur ce que veulent vraiment les clients du luxe en 2025, Mansvelt met en avant cinq attentes clés. Ces principes, simples à formuler mais difficiles à tenir, dessinent la feuille de route d’un luxe qui comptera demain.

1) Appartenir à une famille: le club des initiés

Les clients veulent se sentir membres d’un club unique — et que le club les considère en retour. «Si vous parlez à nos clients, ils disent tous la même chose: c’est une histoire d’amour», glisse Mansvelt. La relation n’est pas à sens unique. Le client veut sentir que les équipes le connaissent et l’apprécient. Ils ne viennent pas une fois pour disparaître: ils reviennent, encore et encore. Ils sont à l’aise en boutique, comme à la maison, avec un lien humain réel. C’est là que le service dépasse la transaction: invitations ciblées, moments privilégiés, attention personnalisée, livraison proactive. Le club reconnaît ses membres — et les membres se reconnaissent entre eux.

Ce lien passe par des codes subtils. Un cuir, une patine, une silhouette… «Vous avez quelques signes discrets, immédiatement compris par ceux qui connaissent Berluti», souligne Mansvelt. Rien d’ostentatoire. Juste ce qu’il faut pour que les initiés se saluent d’un regard.

2) Désir de confidentialité: la rareté, pas la redondance

La tendance forte n’est pas à la pièce que l’on croise à chaque coin de rue. Elle va à l’objet distinctif et rare. «Il y a une recherche, au moins chez une partie de la clientèle, d’une proposition plus low-key», note Mansvelt. Traduction: un objet que tout le monde ne possède pas. Un exemple parlant? Porter une montre A. Lange & Söhne ou F.P. Journe: la plupart ne voient pas ce qu’elle est vraiment — et c’est précisément le point. Une poignée de passionnés, oui. Ils reconnaissent la signature, le mouvement, la différence. Et cela suffit pour créer un langage commun, déclencher une conversation, tisser des liens entre pairs. C’est ça, la valeur sociale du luxe privé: peu de bruit, beaucoup de sens.

3) La valeur perçue compte autant que le prix: qualité, matériaux, exécution

«La formule valeur est plus importante que jamais», résume Mansvelt. «Le bon prix avec la bonne créativité, les bons matériaux et le bon artisanat, c’est clé.» Le luxe a toujours semblé cher — c’est même partie intégrante de son attrait. Mais l’équation se tend: quand les étiquettes s’envolent et que la qualité stagne, le client, lui, ne suit plus. Les dernières années ont vu des hausses soutenues, liées à l’inflation, aux matières premières, aux droits de douane — et parfois à des stratégies purement tarifaires — sans que la créativité ni la fabrication ne progressent au même rythme.

Les analyses sectorielles convergent: l’expansion trop rapide a exposé certaines marques, affaiblissant la promesse d’exclusivité, de créativité et de savoir-faire. Quand les prix montent sans que l’offre créative ni la chaîne d’approvisionnement ne s’adaptent, la proposition de valeur se fissure. À l’inverse, chez les clients très fortunés, ce qui déclenche l’achat, ce sont des produits mieux fabriqués, une qualité de matériaux irréprochable, et un service en boutique plus pointu. En clair: l’arbitrage se fait sur l’exécution. La confiance se gagne sur la durée, au toucher, à l’essayage, dans la précision des finitions et la cohérence de la collection.

4) L’authenticité ou rien: relier chaque produit à l’histoire de la maison

«Si vous créez un produit, a-t-il du sens au regard de l’histoire de la maison? D’où vient-il?» interroge Mansvelt. L’authenticité n’est pas un slogan: c’est un fil qui relie le passé au présent. Chez Berluti, beaucoup de pièces en cuir — toutes fabriquées en Italie — portent la patine emblématique de la maison. Exemple réjouissant: le sac Jour de Poche, dimensionné pour accueillir exactement un livre. Simple, utile, signé, immédiatement reconnaissable par ceux qui savent. La veste Forestière, conçue à l’origine pour l’architecte Le Corbusier et issue de la maison française Arnys (intégrée en 2012), revient la saison prochaine en plusieurs déclinaisons. Plutôt que d’éparpiller l’attention, la maison resserre le cadre autour de ses motifs essentiels et de ses archétypes.

Sac Jour de Poche
Crédit: Alexis Berthoud — Jour de Poche, dimensionné pour un livre.

Cette logique dépasse un seul nom: dans la haute joaillerie, certaines maisons affichent la même discipline, refusant d’étendre leur territoire au-delà de leur cœur de métier. La cohérence est devenue un avantage compétitif. Les clients le sentent immédiatement: quand une pièce sonne juste, qu’elle porte un héritage, elle élève l’ensemble de la collection.

5) Construire pour durer: des pièces qui traversent les années

Le client est prêt à investir davantage dans une pièce «qui a un but», promise à une place durable dans sa garde-robe: la meilleure paire de souliers pour les grands soirs, la veste parfaite pour l’entre-saison, le bagage qui l’accompagne pendant des décennies. «Bien sûr, il faut apporter de nouvelles silhouettes chaque saison pour exprimer la nouveauté», rappelle Mansvelt. «C’est une part de la créativité et la preuve que la marque est vivante.» Mais l’essentiel tient dans le mix intelligent entre nouveautés et pièces emblématiques, entre variations et permanents, le tout soutenu par une construction irréprochable. Le style évolue; la qualité, elle, doit rester constante au sommet.

Au final, le luxe privé s’impose comme la boussole du secteur. Ce n’est pas un repli timide, c’est une montée en puissance: moins de bruit, plus de valeur; moins de dispersion, plus d’âme. Pour les maisons, la route est claire: investir dans l’artisanat, cultiver la communauté, affirmer la cohérence, servir la durabilité. Pour les clients, la démarche est simple: acheter mieux, comprendre ce que l’on possède, et le faire vivre longtemps. Parce que le vrai luxe, en 2025, n’est pas d’être vu — c’est d’être compris par ceux qui savent.

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