La fin triste de l’expĂ©rience MotoE en MotoGP

« Je pense que ce n’est pas la bonne dĂ©cision de supprimer cette catĂ©gorie, mais on ne peut rien faire. » Cette phrase rĂ©sume l’état d’esprit d’une partie du paddock au moment oĂč la MotoE, catĂ©gorie Ă©lectrique associĂ©e aux week-ends MotoGP, a Ă©tĂ© stoppĂ©e Ă  l’issue de la saison 2025.

AprĂšs sept saisons, six champions diffĂ©rents, un changement de constructeur en cours de route et une montĂ©e en statut de championnat du monde FIM, la MotoE s’est arrĂȘtĂ©e de maniĂšre assez abrupte. L’annonce a surpris par son calendrier — en septembre, alors que la grille se prĂ©parait pour l’avant-derniĂšre manche — mais pas forcĂ©ment par son fond. L’organisateur a parlĂ© d’une sĂ©rie « en pause », tout en assumant la raison principale : la MotoE « n’a pas rĂ©ussi Ă  gagner suffisamment d’adhĂ©sion au sein de la base de fans ». Le prĂ©sident de la FIM, Jorge Viegas, a Ă©galement Ă©tĂ© citĂ© : malgrĂ© les efforts de promotion, les objectifs n’ont pas Ă©tĂ© atteints, pas plus que ceux liĂ©s Ă  l’industrie des motos Ă©lectriques de performance.

Ce contraste — une promesse technologique forte et, en face, une difficultĂ© Ă  fĂ©dĂ©rer — est au cƓur de l’hĂ©ritage MotoE. Car sur la piste, les courses ont souvent Ă©tĂ© disputĂ©es, parfois spectaculaires. Pourtant, l’étiquette « championnat Ă©lectrique » n’a pas su devenir un rendez-vous incontournable. Pourquoi ? Que dit cette fin sur la place des motos Ă©lectriques dans le sport moto ? Et qu’est-ce qui restera, malgrĂ© tout, de cette expĂ©rience ?

⚡ Une catĂ©gorie innovante
 mais devenue de plus en plus « Ă  part »

La MotoE est passĂ©e par plusieurs Ă©tapes structurantes : un lancement ambitieux, une phase de stabilisation, puis une forme de mise Ă  l’écart progressive, ressentie par certains pilotes. Avec le temps, la catĂ©gorie a semblĂ© devenir plus « vestigiale » et plus « insulaire », mĂȘme aprĂšs l’arrivĂ©e de Ducati comme fournisseur et l’obtention du statut de championnat du monde.

Un signe concret de cette difficultĂ© d’intĂ©gration : l’organisation des week-ends. Les deux courses d’un mĂȘme week-end Ă©taient programmĂ©es le mĂȘme jour. Cette compression du format a pu renforcer l’impression que la MotoE « s’insĂ©rait » dans le programme plutĂŽt qu’elle ne s’y installait durablement, Ă  cĂŽtĂ© des repĂšres trĂšs ancrĂ©s que sont MotoGP, Moto2 et Moto3.

Le problĂšme, c’est que la rĂ©ussite d’un championnat ne dĂ©pend pas uniquement de l’innovation technologique. Dans un sport trĂšs traditionnel, oĂč le bruit et l’identitĂ© mĂ©canique font partie de l’expĂ©rience, la transition vers l’électrique demande du temps — davantage que des communiquĂ©s et quelques dĂ©monstrations. MĂȘme un produit sportif solide peut peiner Ă  exister si l’écosystĂšme (fans, mĂ©dias, industrie, acteurs sportifs) ne crĂ©e pas ce « cercle vertueux » de prestige et d’enjeu.

Le dernier champion, Alessandro Zaccone, a lui-mĂȘme insistĂ© sur une idĂ©e clĂ© : tout le monde n’aime pas spontanĂ©ment l’électrique — il dit mĂȘme ĂȘtre « le premier » Ă  ne pas aimer ça — mais il ajoute que la moto est « vraiment amusante Ă  piloter » et qu’il faut « essayer » pour comprendre. Cette nuance est prĂ©cieuse : le plaisir de pilotage peut ĂȘtre rĂ©el, sans pour autant dĂ©clencher une adhĂ©sion massive du public.

đŸïž Une grille qui perd de sa “star power” (et ce que ça change)

Au dĂ©marrage, la MotoE pouvait s’appuyer sur des noms connus : Sete Gibernau, Bradley Smith, Randy de Puniet, Alex de Angelis. Aucun n’était au sommet de sa carriĂšre, mais tous avaient dĂ©jĂ  fait des podiums en MotoGP — et Gibernau a mĂȘme Ă©tĂ© un vĂ©ritable prĂ©tendant rĂ©gulier aux avant-postes. Cette prĂ©sence donnait une forme de crĂ©dibilitĂ© immĂ©diate et crĂ©ait un pont Ă©vident avec le public du MotoGP.

Au fil des saisons, cette « puissance d’attraction » s’est Ă©rodĂ©e. Et mĂȘme si la notoriĂ©tĂ© ne se rĂ©sume pas au nombre de dĂ©parts en MotoGP, un indicateur Ă©voquĂ© dans le rĂ©cit est parlant : en 2025, le seul pilote de la grille avec un passĂ© en MotoGP Ă©tait Jordi Torres, 38 ans, dont l’expĂ©rience dans la catĂ©gorie reine se limitait Ă  cinq courses en remplacement sur une Ducati ĂągĂ©e de deux ans.

Dans un championnat qui cherche Ă  s’imposer, l’enjeu est double : d’un cĂŽtĂ©, former des trajectoires sportives lisibles ; de l’autre, crĂ©er des figures facilement identifiables. Or la MotoE a eu du mal Ă  transformer ses champions en « tĂȘtes d’affiche » durables. Matteo Ferrari — champion inaugural — a disputĂ© l’intĂ©gralitĂ© des 78 courses de l’histoire de la sĂ©rie. Sur le papier, cela lui donne une lĂ©gitimitĂ© unique, presque un statut de rĂ©fĂ©rence. Mais mĂȘme au moment de son sacre, il pouvait se fondre « dans la foule » au centre mĂ©dias MotoGP, en vĂȘtements civils, sans l’aura mĂ©diatique qu’on associe souvent aux champions des grandes catĂ©gories.

Le parcours de Zaccone, lui, illustre une autre rĂ©alitĂ© : quand la perspective de fin se rapproche, la pression change de nature. Il a reconnu qu’il avait en tĂȘte l’idĂ©e que le titre pouvait ĂȘtre « maintenant ou jamais ». Devenir le dernier champion — « pour l’instant » — est « quelque chose de spĂ©cial », dit-il, tout en qualifiant l’arrĂȘt de « quelque chose de fou ».

🔧 Energica, Ducati et l’évolution technique : du “road bike” au prototype

Sur le plan technique, la MotoE a connu une transition majeure entre deux pĂ©riodes. La moto d’origine — l’Energica Ego Corsa — a servi pendant quatre saisons. C’est un cycle plutĂŽt long et, Ă  certains Ă©gards, une performance en soi, surtout quand on se rappelle qu’au tout dĂ©but, l’intĂ©gralitĂ© de la flotte de motos avait Ă©tĂ© dĂ©truite dans un incendie lors d’essais. MalgrĂ© ce dĂ©part chaotique, la catĂ©gorie a rĂ©ussi Ă  se maintenir et Ă  produire des courses.

Les caractĂ©ristiques de l’Energica sont dĂ©crites sans dĂ©tour : une machine compĂ©titive, mais « volumineuse » et « lourde ». Les pilotes ont dĂ» s’adapter Ă  des Ă©lĂ©ments inhabituels, comme l’absence de bruit des motos adverses dans les duels — une sensation dĂ©routante en bagarre. Cette autre dimension du pilotage, plus silencieuse mais tout aussi physique, faisait partie de l’identitĂ© MotoE, avec ses avantages et ses limites.

L’arrivĂ©e de Ducati comme fournisseur marque un basculement vers une moto plus « rapide » et plus « fine », selon le ressenti Ă©voquĂ©. Zaccone insiste sur l’ampleur du pas rĂ©alisĂ© : Ducati aurait fait « un Ă©norme pas ». Il compare aussi les philosophies : l’Energica Ă©tait « super amusante Ă  piloter », mais « plus basique », « plus proche d’une moto de route », tandis que Ducati aurait produit un « prototype ».

Cette Ă©volution technique n’est pas qu’un dĂ©tail d’ingĂ©nierie : elle influence directement la perception de la discipline. Une moto prototype, associĂ©e Ă  une marque reconnue pour sa performance, peut renforcer l’idĂ©e que la catĂ©gorie est sĂ©rieuse sportivement. Zaccone va mĂȘme jusqu’à dire que des pilotes amateurs prendraient plus de plaisir Ă  essayer une MotoE que certaines autres machines de compĂ©tition. On peut y voir une tentative de rĂ©habiliter l’expĂ©rience : oui, c’est Ă©lectrique, mais c’est une moto de course, avec des sensations spĂ©cifiques et une intensitĂ© rĂ©elle.

Et pourtant, amĂ©liorer le produit ne garantit pas sa rĂ©ussite culturelle. La MotoE est un exemple classique d’un sport oĂč la « qualitĂ© intrinsĂšque » (moto plus moderne, course plus serrĂ©e) ne suffit pas si la discipline n’atteint pas son point de bascule en termes d’attention et de prestige.

📊 Des courses serrĂ©es
 mais le suspense ne fait pas tout

Sportivement, la MotoE a rĂ©guliĂšrement offert des arrivĂ©es serrĂ©es. Un tableau comparatif sur la saison 2025 met en avant l’écart moyen entre le premier et le deuxiĂšme :

⏱ Écart moyen entre le 1er et le 2e (2025)

MotoE : 0,387 s

Moto3 : 1,178 s

Sprints MotoGP : 1,335 s

Moto2 : 1,793 s

MotoGP : 3,335 s

Il est vrai que des courses plus courtes favorisent mĂ©caniquement des Ă©carts rĂ©duits. Mais c’était prĂ©cisĂ©ment l’un des arguments de la MotoE : une promesse de « burst » d’action, une dose concentrĂ©e de bagarre. D’un point de vue spectacle, la sĂ©rie a donc souvent tenu sa promesse.

Le problĂšme Ă©voquĂ© est ailleurs : l’histoire du sport montre que la qualitĂ© de la course ne garantit pas le succĂšs d’un championnat. Il faut un ensemble de facteurs qui s’alimentent : l’adhĂ©sion du public, la reconnaissance sportive, l’impression que « ça compte », la construction de rivalitĂ©s et de rĂ©cits, puis la dramatisation naturelle des enjeux. Une arrivĂ©e au milliĂšme peut ĂȘtre extraordinaire — mais si personne ne se sent concernĂ© par l’identitĂ© du vainqueur, l’évĂ©nement ne laisse pas de trace durable.

Zaccone a le sentiment que la catĂ©gorie a Ă©tĂ© progressivement moins mise en avant : selon lui, aprĂšs un dĂ©but oĂč « ils poussaient beaucoup », la promotion se serait attĂ©nuĂ©e. Il va plus loin : il se demande si la dĂ©cision d’éteindre la MotoE n’était pas prise depuis un certain temps, la nouvelle n’ayant Ă©tĂ© « apprise » que tardivement. Ce ressenti n’est pas prĂ©sentĂ© comme un fait prouvĂ©, mais comme une perception interne, nourrie par une baisse de visibilitĂ©.

Face Ă  cela, deux constats coexistent : d’un cĂŽtĂ©, la MotoE a Ă©tĂ© « dĂ©priorisĂ©e » ; de l’autre, elle n’a tout simplement pas trouvĂ© un Ă©cho suffisant. Dans une discipline trĂšs attachĂ©e au moteur thermique, au son et Ă  une culture historique, l’électrique pouvait avoir un handicap structurel. On ne peut pas forcer l’adhĂ©sion : on peut investir, tenter, ajuster
 puis constater le rĂ©sultat.

🧑‍🚀 HĂ©ritage : blessures, tremplins vers le MotoGP et une “pause” qui interroge

L’histoire MotoE, ce n’est pas seulement une question d’audience : c’est aussi une histoire de trajectoires humaines. Zaccone, par exemple, a vĂ©cu un Ă©pisode marquant en 2021 : une violente chute (highside) lors de la finale Ă  Misano, suivie d’un choc inĂ©vitable avec un autre pilote. Il Ă©tait alors en tĂȘte du championnat avec sept points d’avance, mais a terminĂ© avec des blessures graves : fractures du bassin et des vertĂšbres. Cet Ă©vĂ©nement rappelle que, mĂȘme en format sprint, mĂȘme avec des motos diffĂ©rentes, le sport reste engagĂ© et risquĂ©.

AprĂšs un passage jugĂ© « infructueux » en Moto2, Zaccone est revenu en MotoE. Avec Ducati, la moto est devenue plus performante ; il a connu une phase difficile, puis a rĂ©ussi Ă  aller chercher le titre
 au moment mĂȘme oĂč la catĂ©gorie s’arrĂȘte. Cette chronologie donne un goĂ»t paradoxal Ă  son sacre : une consĂ©cration, mais dans une sĂ©rie qui bascule aussitĂŽt dans l’incertitude.

La question de l’aprĂšs est centrale. Pour Zaccone, l’arrĂȘt a Ă©tĂ© comme « une douche froide ». Il a cependant trouvĂ© une porte de sortie solide avec un guidon Althea Ducati en World Supersport. Quant Ă  la MotoE, l’idĂ©e officielle est celle d’une « pause ». Si elle ne revient jamais, Zaccone restera le dernier champion, une curiositĂ© historique, mais peut-ĂȘtre pas un statut qui pĂšse autant qu’un titre durablement inscrit dans une lignĂ©e active.

Mais si la MotoE revient un jour, un scĂ©nario devient possible : celui d’une discipline qui Ă©tait simplement « en avance sur son temps ». Dans ce cas, l’importance des champions passĂ©s pourrait augmenter rĂ©troactivement, parce que la sĂ©rie retrouverait une continuitĂ© et, avec elle, du sens et du poids symbolique.

Un autre hĂ©ritage, plus concret, est dĂ©jĂ  lĂ  : la MotoE a servi de tremplin vers des trajectoires en MotoGP. Deux pilotes Ă  temps plein en MotoE ont ensuite reliĂ© leur nom Ă  la catĂ©gorie reine, dont Lorenzo Savadori (prĂ©sent dĂšs 2019) — aujourd’hui surtout connu comme pilote d’essais et remplaçant, avec une influence notable sur les progrĂšs rĂ©cents d’Aprilia — et FermĂ­n Aldeguer, arrivĂ© trĂšs jeune dans le paddock, Ă  16 ans, dĂšs l’ouverture de la saison MotoE 2021. Quoi qu’il arrive, c’est un argument fort : la MotoE a aussi Ă©tĂ© une porte d’entrĂ©e vers le plus haut niveau.

Au final, cette expĂ©rience laisse une leçon saisissante pour l’avenir des motos Ă©lectriques en compĂ©tition : la technologie, la qualitĂ© des courses et mĂȘme le statut officiel ne suffisent pas. Il faut du temps, un rĂ©cit collectif et un dĂ©sir partagĂ©. Et si ce dĂ©sir n’est pas encore mĂ»r, l’histoire n’est peut-ĂȘtre pas terminĂ©e — elle attend peut-ĂȘtre simplement son bon moment.

Phrase de clĂŽture inspirante : Parfois, une innovation ne disparaĂźt pas parce qu’elle est mauvaise, mais parce qu’elle arrive trop tĂŽt — et ce qui compte, c’est de garder la capacitĂ© d’apprendre, d’oser et de revenir plus fort quand le public, la technique et la culture sont enfin prĂȘts Ă  avancer ensemble.

Foire aux Questions

Pourquoi la MotoE s’arrĂȘte aprĂšs la saison 2025 ?

Selon les dĂ©clarations rapportĂ©es, l’organisateur estime que la MotoE n’a pas rĂ©ussi Ă  obtenir une adhĂ©sion suffisante de la base de fans. La FIM, via des propos attribuĂ©s Ă  son prĂ©sident Jorge Viegas, Ă©voque aussi le fait que les objectifs n’ont pas Ă©tĂ© atteints, y compris du cĂŽtĂ© de l’industrie des motos Ă©lectriques de performance.

La MotoE a-t-elle proposé de bonnes courses malgré tout ?

Oui, le niveau de bagarre Ă©tait souvent Ă©levĂ©. Un indicateur mis en avant pour 2025 est l’écart moyen entre le premier et le deuxiĂšme : 0,387 s en MotoE, plus faible que dans plusieurs autres catĂ©gories citĂ©es. Le format plus court aide Ă  maintenir des Ă©carts serrĂ©s, mais c’était aussi l’une des promesses de la MotoE.

Quelle est la diffĂ©rence entre l’ùre Energica et l’ùre Ducati en MotoE ?

L’Energica Ego Corsa, utilisĂ©e pendant quatre saisons, est dĂ©crite comme plus lourde et volumineuse, avec une philosophie plus proche d’une moto de route. Avec Ducati, la moto est prĂ©sentĂ©e comme plus rapide et plus fine, et davantage comme un prototype de compĂ©tition.

Qui sont les champions ou figures marquantes mentionnĂ©s dans l’histoire de la MotoE ?

Matteo Ferrari est prĂ©sentĂ© comme le champion inaugural et le seul pilote Ă  avoir disputĂ© les 78 courses de l’histoire de la sĂ©rie. Alessandro Zaccone est le dernier champion de la pĂ©riode qui s’achĂšve en 2025. Le texte mentionne aussi des pilotes connus prĂ©sents au dĂ©but (Sete Gibernau, Bradley Smith, Randy de Puniet, Alex de Angelis).

La MotoE a-t-elle aidé des pilotes à atteindre le MotoGP ?

Le rĂ©cit indique que deux pilotes Ă  temps plein en MotoE s’en sont servis comme tremplin vers des carriĂšres en MotoGP, notamment Lorenzo Savadori et FermĂ­n Aldeguer, ce dernier ayant dĂ©couvert le paddock des grands prix trĂšs jeune, Ă  16 ans, lors de l’ouverture de la saison 2021.

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